Droit des animaux : l'exception française L'éthique animale, c'est-à-dire le statut moral des animaux, est un sujet qui demeure tabou en France. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les animaux n'ont toujours aucun droit dans l'hexagone sur le plan juridique. Mais pourquoi un tel blocage ?
Animal = objet ?
Avec plus de 60 millions d'animaux domestiques, les Français sont les européens les plus friands d'animaux de compagnie. Un foyer sur deux possède en effet au moins un animal tandis que le marché des animaux de compagnie représente une somme conséquente de 3,5 milliards d'euros par an.
Paradoxalement, la France est le pays d'Europe le plus en retard en matière de protection animale. Alors que 81 % des Français estiment que la protection des animaux est une cause importante, rien n'est fait pour aider nos compagnons à quatre pattes. Cela peut paraître invraisemblable, et pourtant... En France, les animaux sont considérés comme des objets !
L'héritage du passé
La cause de cette situation trouve sa source dans l'Histoire-même du pays. Dans un ouvrage intitulé Les animaux ont des droits, auquel des éthologues, neuropsychiatres et philosophes ont contribué, le profond malaise qui existe autour de la question de l'éthique animale est analysé selon un point de vue historique.
Tout d'abord, il faut rappeler que bien avant le christianisme, les animaux avaient un statut protégé : la castration de l'animal est alors interdite et il est obligatoire de venir en aide à une bête menacée même si elle appartient à l'ennemi. La souffrance de l'animal est totalement proscrite. Dans la religion juive, les hommes, les animaux et Dieu forment une triple alliance qui garantit l'équilibre du monde.
Ce qui a tout bouleversé, c'est le « sacrifice ». Elisabeth de Fontenay, philosophe ayant participé à la rédaction de Les animaux ont des droits, explique ainsi : « Le geste du Christ qui se laisse immoler, telle une brebis, pour racheter les péchés des hommes a transformé la nature du sacrifice qui est devenu un acte de pure intériorité et n'a plus rien de rituel. » L'animal offert en offrande n'a alors plus rien de sacré : il devient un simple objet que l'on sacrifie. Dès lors, on peut le manger, le museler et lui occasionner de la souffrance sans le moindre remord.
Puis, bien des siècles plus tard, le philosophe René Descartes commet l'erreur de parler « d'animal-machine ». Partant du principe que les animaux ne peuvent rien exprimer en se fondant sur son célèbre « je pense, donc je suis », il affirme alors que ceux-ci sont dépourvus de sensibilité. Frapper un chien n'a donc pas d'importance puisque celui-ci ne ressent rien.
Lafontaire, Voltaire ou encore Jean-Jacques Rousseau s'insurgeront contre la thèse de l'animal-machine de Descartes. Ils tenteront en vain de formuler une doctrine de la responsabilité morale des hommes envers les animaux. Et alors que l'humanisme mènera à la proclamation de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen, les droits des animaux, eux, n'évolueront guère.
L'homme, maître et possesseur de la nature
Pour le philosophe Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, auteur de L'Ethique animale, c'est ce même humanisme français qui serait responsable du désintérêt éprouvé envers les animaux. Un vrai paradoxe là encore lorsqu'on sait tous les progrès que l'élan humaniste a permis par ailleurs (abolition de l'esclavage, entre autres)...
"Il est important de comprendre que l’humanisme, dont l’esprit français est imprégné depuis des siècles, n’est pas seulement la défense sympathique des droits de l’homme avec laquelle tout le monde est d’accord, mais aussi le fait de mettre l’homme au centre de tout, lui soumettre son environnement et réaliser en quelque sorte le projet cartésien de se rendre 'comme maître et possesseur de la nature'. On place alors les hommes et les animaux dans des vases communicants et l’on se convainc qu’accorder davantage de considération aux uns implique forcément moins de considération pour les autres." Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, L'Ethique animale.[ Les vieilles traditions françaises
On l'aura compris, la France est attachée à son histoire et garde un esprit conservateur même au sujet des animaux. Cela se traduit aussi à travers les « grandes » traditions françaises telles que la chasse, la pêche, la corrida mais aussi la gastronomie (par exemple, comment peut-on lutter contre le gavage des oies quand le pays est mondialement réputé pour son foie-gras?), l'idée étant qu'on ne doit pas amputer la France de ce qui fait son identité.
Et aujourd'hui ?
Malgré un projet de réforme du statut des animaux validé par le Conseil économique social et environnemental qui n'a finalement jamais vu le jour, l'éthique animale n'a quasiment pas évolué. Les lobbies de la chasse, de la pêche et de l'agroalimentaire notamment pèsent encore trop lourd au sein du gouvernement pour pouvoir faire avancer les choses. Même Manuel Valls, actuel Ministre de l'Intérieur d'origine espagnole, s'est opposé avec ferveur à l'interdiction de la corrida, et ce, sans la moindre objectivité. Tant que les gouvernements (de Gauche comme de Droite) demeureront accrochés à des traditions vieilles de plusieurs siècles, rien ne pourra donc être fait en faveur des animaux.
Toutefois, les défenseurs des droits des animaux s'accordent pour dire que certains progrès ont été réalisés ces dernières années. En 1978, la Déclaration Universelle des Droits de l'Animal a été proclamée à la Maison de l'Unesco. Si elle n'a toujours aucune portée juridique, elle est cependant diffusée par de nombreuses associations de protection animale. De plus, le Code rural reconnaît l'animal comme un « être sensible » et le Code pénal punit les sévices et la maltraitance. Mais face à ses voisins européens, notamment la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Suisse ou le Luxembourg, la France, elle, a bien du mal à aller de l'avant.
Source :
http://wamiz.com/chiens/actu/droit-des-animaux-l-exception-fran-aise-3495.html