Texte publié dans le magazine "Molosses News" n°38
Bonheur des uns, cauchemar des autres : les balades avec un molosse
Partir en promenade avec son molosse peut être un moment plaisant pour beaucoup de maîtres, ou au contraire difficile voire redouté par d’autres, incapables de bien contrôler leur animal à l’extérieur.
Des chiens de grandes ou petites races molossoïdes sont parfois peu sociables, distants voire menaçants avec leurs congénères, les êtres humains, ou les deux à la fois !
De nombreux mâles sont spécialement sourcilleux avec leurs congénères du même sexe (les femelles leur disputant parfois cette réputation) et très prompts à aller « s’expliquer » de manière musclée dans leurs rencontres.
Favoriser une bonne socialisation aux congénères (consciencieusement menée depuis le plus jeune âge) et travailler le bon contrôle du chien avec une relation clairement organisée autour de rigoureuses règles de vie, tempèrent beaucoup ces intolérances et peuvent façonner un molosse tout à fait équilibré.
Des rencontres pas faciles
Typox le Dogo n’est pas resté avec sa mère et sa fratrie pendant 8 semaines (strict minimum pour le bon développement d’un chiot). De ce fait mal socialisé à sa propre espèce, il redoute ses congénères et cherche plutôt à les fuir, mais lorsqu'il est maintenu en laisse sur les trottoirs, terrifié, il les agresse bruyamment dès qu’il en aperçoit qui cheminent non loin.
Ulma la Cane Corso, n’a connu que des chiens dans son chenil isolé, où seul l’éleveur distribuait la nourriture sans véritables interactions. Elle est folle de joie quand elle aperçoit un autre chien, mais croiser tout humain petit ou grand en promenade la met dans le plus grand désarroi. Elle tente alors de freiner leurs approches en les menaçant avec grondements et aboiements.
Spot le Dobermann, ne sort pas souvent de son jardin, en conséquence il n’est pas très à l’aise par manque de familiarisation avec tout son environnement. Quand ses maîtres le lâchent, il court après tous les joggers, cyclistes et enfants qui se poursuivent en jouant.
Les difficultés de Rustine la Boxer ne sont pas les mêmes. Ses maîtres ont perdu leur précédent compagnon dans une bagarre qui a mal tourné avec des chiens rencontrés en promenade. Ils sont maintenant très crispés dans leurs balades, guettent anxieusement toute approche du moindre canidé, et malgré eux, communiquent leur appréhension à Rustine. A la moindre tension de sa laisse, avertie que quelque chose de suspect se profile, la jeune molosse réagit fortement et de plus en plus inquiète. Au fil des sorties et par peur à son tour, elle est devenue menaçante elle aussi.
Pour plus de facilité
Les meilleures rencontres entre chiens se font quand ils sont tous lâchés.
Échanges de regards, flairages, frôlements, battements de queue, hérissement du poil et positionnement des oreilles permettent à chacun d’évaluer l’autre et ses intentions.
Vont-ils jouer ensemble ou passer leur chemin? En tout cas leur approche est naturelle et sans entrave.
En ville nous devons tenir nos compagnons en laisse, et leurs rencontres ne sont pas facilitées.
Tiré et tenu souvent fermement par un maître un peu inquiet et malhabile, l’animal se sent vulnérable et grogne ou aboie, surtout et avant tout par peur. Il veut freiner toute approche à laquelle il ne se sent pas capable de faire face, parce qu’il est attaché.
Pour parer toute éventualité, il dispose pourtant de moyens naturels qu’il pourrait utiliser s’il n’était pas en laisse :
l’immobilisation, le temps de jauger et de s’ajuster au type d’approche, amicale ou offensive de l’autre
ou la fuite, s’il lui semble que l’autre a des intentions plutôt belliqueuses et qu’il ne tient pas à l’affronter
ou bien encore l’attaque, s’il se sent au contraire tout a fait prêt à s’imposer et se croit en mesure d’avoir le dessus sur l’autre individu
On comprendra mieux ainsi l’inconfort (et donc les menaces) de certains chiens en laisse qui voient arriver vers eux un congénère en liberté !
Le chien « libre » peut (dans le meilleur des cas) être assez décontracté ou « intimidé » par les menaces de l’entravé, et passer son chemin au large. Ou au contraire il peut décider de « s’expliquer » avec ce menaçant qui ne l’impressionne pas du tout et vouloir alors engager un combat avec un chien qui ne pourra strictement rien pour lui-même.
Des responsabilités collectives
Dès son plus jeune âge, de multiples facteurs peuvent retentir de façon défavorable sur l’équilibre psychique et comportemental d’un chien, pouvant l’amener à des peurs et des conduites agressives en extérieur.
On recense notamment :
L’isolement en chenil ou en boxes à l’élevage, qui ne prépare pas des chiots bien sociables soit avec les congénères soit avec les humains (ex : Ulma). Rappelons que la nouveauté fait peur, et que si les chiots n’ont pas été suffisamment familiarisés aux « deux » ou aux « quatre pattes », il est possible qu’ils les craignent à l’âge adulte.
Le retrait prématuré des chiots de la portée. La mère n’a pas le temps d’initier toute la fratrie aux codes sociaux qui régissent les échanges entre chiens (ex : Typox)
Le manque de socialisation dès l’acquisition d’un chiot par ses propriétaires (même avant ses derniers vaccins) avec des sorties ludiques en zones nature et urbaine pour des rencontres multiples et variées (ex : Spot)
Les possibles expériences traumatisantes de sa 7è à sa 14è semaine (et même plus tard pour certaines races molossoïdes)
Les craintes de ses maîtres pour sa vie (ex : Rustine). On néglige trop souvent l’impact de l’état émotionnel du maître sur son chien, véritable éponge affective qui perçoit finement les émotions de l’humain
La méconnaissance qu’ont les propriétaires de chien, du pouvoir tranquillisant d’une relation clairement organisée autour de règles de vie non changeantes au gré des humeurs et des emplois du temps.
Préventivement
En France, contrairement à l’Allemagne, nous manquons de lieux de rencontre où chiots et chiens pourraient s’exercer en toute liberté et sécurité à parfaire leur socialisation, pour qu’ils expérimentent avec leurs maîtres qu’il n’y a pas que des risques à fréquenter des congénères.
Pendant la période de forte attraction sociale de leurs 12 premières semaines de vie, les chiots qui sortent peu et ne vivent pas de multiples expériences sociales positives à l’extérieur, seront moins confiants et hardis lors de leurs futures sorties.
Les contacts avec des chiens de races diverses, adultes ou non et se déroulant précocement de manière ludique, façonnent un chiot sociable pour plus tard. Comme des adultes n’agressent pas « un petit » il est bon de favoriser toutes les rencontres puisque le chiot n’a rien à craindre d’eux.
A l’adolescence par contre, les relations changent entre chiens, et certains mâles ne sont plus très souples avec les autres individus de même sexe. C’est justement une socialisation précoce et poursuivie toute l’adolescence, qui peut atténuer cela.
De même la confrontation précoce et progressive avec le tumulte urbain, les rencontres de congénères en laisse et d’humains petits et grands à pied, à vélo ou en rollers familiarise le chiot à toutes ces situations singulières, qui petit à petit deviennent son ordinaire. (Le tout renforcé de façon positive par le maître jusqu’à l’âge adulte)
Quelques remèdes
Suivant les contextes et lieux de promenade, il est responsable d’éviter les rapprochements et de savoir tenir son molosse en laisse quand alentour d’autres sont en laisse aussi. Beaucoup de personnes sont impressionnées et ont peur pour leur chien en voyant arriver vers eux des molosses. La grande disproportion des tailles, ou même des âges (entre un Rottweiller et un Cocker par exemple) ne peut qu’être dommageable au petit s’il y avait combat.
Si par contre les autres chiens sont en liberté, on a le choix de lâcher le sien à la condition d’avoir un excellent contrôle sur lui. On doit être en mesure alors de réguler n’importe lequel de ses comportements, y compris celui de la fuite avec un bon rappel.
C’est ainsi qu’il est sage de savoir s’écarter de maîtres que l’on repère mal assurés avec leurs chiens, en rappelant le sien pour prendre un peu de distance, et ne pas risquer un rapprochement conflictuel.
Si un chien est craintif, on peut le laisser évoluer en liberté dans un lieu clôturé avec des chiens paisibles et joueurs, éventuellement des femelles si c’est un mâle inquiet. Cela commencera par restaurer sa confiance en lui puisqu’ il constatera que les autres chiens ne sont pas des ennemis. On augmentera peu à peu les difficultés, en introduisant dans le groupe un mâle assez calme, et ainsi de suite. Cette habituation/désensibilisation est délicate et l’on peut se faire aider par un Caniconsultant pour la mener, car une maladresse pourrait faire régresser l’animal.
La convoitise pour un même objet peut déclencher une bagarre. Évitez donc de lancer un jouet à votre chien lorsqu’il y en a d’autres à proximité, car les chiens ne sont pas tous partageurs, loin de là !
Les déplacements rapides de joggers, cyclistes, enfants en rollers, ou simple landau poussé par une maman peuvent déclencher l’instinct de prédation* du chien, et c’est alors la course poursuite de ce qui figure une « proie ». Au maître de développer une grande vigilance et un meilleur contrôle pour stopper le molosse avant qu’il ne s’élance.
Certains enfants combinent plusieurs attitudes : ils crient, gesticulent, agitent des jouets. Tout pour plaire à un chien qui peut vouloir participer ou « mettre bon ordre » dans ce chahut !
Prêtez attention à des petits bouts de chou qui peuvent être très effrayés par un molosse se précipitant vers eux, amicalement ou non !
A vous donc d’apprendre à canaliser votre chien, pour la sécurité de tous.
Un chien se montre parfois menaçant avec les passants, semblant sans peur vouloir « protéger » les siens et empêcher qui que ce soit de les approcher. Gérer les rencontres en général est à la charge de ses maîtres, et si c’est le chien qui se croit investi de ce devoir, c’est qu’il n’est pas clairement à sa place dans sa relation avec ses propriétaires. Une réorganisation du système relationnel s’impose alors avec un Caniconsultant.
Conclusion
On s’en aperçoit au moment des sorties, il est très exigeant d’avoir un molosse. Ses maîtres doivent d’abord savoir faire le bon choix d’un chiot auprès d’éleveurs sérieux et responsables. Ensuite ils doivent veiller à développer toute sa vie durant la grande sociabilité de leur animal, en même temps que leur parfait contrôle sur lui, au risque sinon de participer à renforcer une mauvaise réputation déjà largement répandue sur les molosses.
* Instinct de chasse
Danièle Mirat et Laurence Bruder-Sergent
Source : Communicanis http://www.communicanis.com/danslapresse.htmlToute une série d'articles très pertinents et professionnels!